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la scabieuse : le ciel est noir tant il est bleu

la scabieuse : le ciel est noir tant il est bleu
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3 novembre 2010

Photo : Baptiste Hamousin La bohème à Berlin au

 

 


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Photo : Baptiste Hamousin



 


La bohème à Berlin au début du siècle suivie d'années d'errance, de solitude, de travail harassant dans les mansardes de Berne ou de Bienne, puis vingt-six années d'internement dont vingt-trois ans de silence littéraire avant de mourir dans la neige un soir de Noël, le destin de Robert Walser, à la fois choisi et subi, est mystérieusement relié à son oeuvre, reconnue aujourd'hui comme l'une des plus importantes de la modernité littéraire.


« A près d'un siècle de distance l'idée d'une rencontre « danse et paroles » autour de quelques textes de Robert Walser est venue et revenue me mettre l'eau à la bouche, avec pour seul subside quelques cailloux blancs tintant dans ma poche. La proposition de se retrouver régulièrement (une vingtaine de jours en tout), d'apporter chacun son énergie et sa curiosité à un projet expérimental et cela de façon bénévole a été acceptée par huit danseurs et comédiens. Créé au Théâtre du Pont Neuf de Toulouse fin avril 2010, le spectacle continue sa route (Montbrun, Goyrans, Estantens) et reviendra à son lieu de création du 14 au 19 mars 2011 enrichi d'un trio :  "Drôles de petits riens".


Avec : Benoit Cazalot, Florence Ferrier, Nathalie Foulquier, Marie-Pierre Genard, Nicole Garretta, Robert Guillen, Claudine Trémeaux


Mise en scène chorégraphique : Nathalie Desmarest




Presse 

Le ciel est noir tant il est bleu Théâtre du Pont Neuf

Poèmes dansés


Publié le 30 Avril 2010



Lecteur, peut-être te rappelles-tu Nathalie Desmarest, qui au Grand Rond plongeait les spectateurs de Festam dans l'intimité dansante de Pelures de soi? Eh bien la voilà à la direction d'un spectacle de "poésie dansée", Le ciel est noir tant il est bleu – le titre est celui d'un poème de Robert Walser, dont l'écriture fait ici l'objet d'une approche chorégraphiée… et nombreuse, puisque huit comédiens et/ou danseurs ont rallié ce projet. Un spectacle semi-pro concocté en vingt jours de travail: fichtre, quand on voit le résultat on se dit qu'il y a là quelque efficacité…

Une plume qu'il fait bon de porter à la scène

L'homme n'eut pas n'importe quelle vie. Né suisse, Robert Walser voyage beaucoup, fait le tour des grandes capitales culturelles du début de siècle – Berlin, Prague… - puis revient en son pays natal où le guettent des années prolifiques mais rudes. En bref : interné dans un hôpital psychiatrique à cinquante ans, il y passe deux décennies dont quelques années littérairement fertiles – Sade et Artaud n'auraient pas mieux fait. Un jour de Noël, il quitte la clinique pour une promenade dans la neige, marche jusqu'à l'épuisement… et la mort. 
L'homme ne fut pas non plus n'importe qui. On reconnait tout d'abord en lui l'auteur aux modestes realia, qui sème la vie et la nature dans ses poèmes, évoque les paysages croulant sous le "blanc fardeau" de la neige, les arbres qui "ont des branches comme des mains d'enfants". Walser mêle la rêverie et le concret, peint avec une rare économie ses contrées forestières de l'Est : poète du monde qui engendre de nombreux autres mondes, poète de la bohème quotidienne, de l'essor vital. 
Toutefois, quelle que soit la beauté de ses 
Poèmes parmi lesquels la compagnie Scabieuse a fait sa sélection, l'écrivain est surtout resté en mémoire grâce à sa fantaisie dernière -  mythe d'un accouchement secret du verbe poétique. Il y a ce fascinant Walser des années 1920 - le miniaturiste, le codeur - qui esquissait ses textes au crayon sur de petits bouts de papier, avant de recopier à la plume les plus transmissibles. On prit ses pattes de mouche pour un délire en langage obscur et il fallut de longues années encore après sa mort pour que son écriture microscopique soit enfin comprise : la prose morcelée duTerritoire du crayon était donc déchiffrable! Le bougre avait écrit en vieil allemand, avec une graphie miniaturisée à l'extrême… On en édita par la suite 77 "microgrammes", dont le spectacle propose un éventail.

"Notre planète est ronde : qu'ainsi soit notre pensée"

La première image surprend, celle de ces seize mains levées vers de longues branches, dans une lente et murmurante bousculade: la présence végétale et les tenues des danseurs nous plongent tout d'abord dans un univers bucolique – on sent que la pomme à cueillir n'est pas loin, dans un imaginaire verger. Peut-être le spectateur "verra"-t-il autre chose, qu'importe, les visions se métamorphosent et chaque poème sollicite un nouvel univers. La sélection musicale (D'Arvo Part à Henri Fourès en passant par Chopin…) et le travail des lumières (Aurélien Bovet) soutiennent ce renouvellement, cet "engendrement" très Walserien.
Ils se déplacent en petite foule encombrée puis soudainement laissent à l'un d'entre eux la solitude du plateau: l'ensemble, la masse, puis comme une feuille tombée de l'arbre, qui virevolte d'une manière bien à elle sur un poème qui lui convient. Parfois, une chorégraphie complexe les mobilise tous, dans une belle complicité. Parfois encore, un duo prend place et les autres deviennent spectateurs des poèmes dansés. Des personnages se dessinent fugitivement sous les pas et les mots – une danseuse étoile, d'attendrissants vieillards…
Un peu de verdeur, certainement, dans la diction des textes - trop de récitation quand le corps, lui, est bien souple – mais tel est peut-être le prix à payer quand on danse des poèmes? La fraîche création ne peut de toute façon que s'assouplir, du reste l'ensemble tient et laisse à l'esprit de très belles images. ||

Manon Ona


Le trio :"Drôles de Petits riens"

est interprété par Véronique Clarysse, Julie Noviant, Mylène Souyeux


trio_054 Photo : Claudine Tremeaux






 

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